Jardin

Jardin XVIIIème à la française

Le XVIII ème siècle aime la campagne. La noblesse de robe, plus riche que la noblesse d'épée construit des maisons aux champs. Les commanditaires ouvrent leur château sur un jardin à la française. Dézallier d'Argenville dans son Traité concernant la théorie et la pratique du jardinage, ne suit plus les principes élaborés par Le Nôtre. Il y introduit des idées nouvelles, dont la principale est de faire céder l'Art à la nature et non plus l'inverse. Le jardin selon lui, doit plus tenir de la nature que de l'Art. On préfère aux fastueux décors, des éléments plus simples et moins coûteux tels que les vertugadins, les amphithéâtre de verdure, ou bien encore les boulingrins .

Le jardin de Vaire-Le-Grand est directement inspiré de cette nouvelle théorie. Sur la première terrasse, faisant face aux parterres et aux ifs taillés, séparé par une allée de tilleuls, un cabinet de verdure procure de l'ombrage en été, il est de forme circulaire, et planté de huit marronniers, décoré par deux bustes de divinités antiques. Un acte de notaire de 1718 décrit l'élaboration des jardins et précise qu'ils sont constitués de parterres d'allées, de bosquet, prouvant que les bases du jardin sont jetées. Un vertugadin fait la transition entre la première et la deuxième terrasse qui présente en son centre un bassin plus petit que celui de la première, et ogival, réfléchissant l'image du château pour la seconde fois. Enfin le terrain fléchit de nouveau, et c'est à l'aide d'une double rampe soulignée par une haie vive que nous descendons sur la troisième terrasse, dont le muret de clôture s'inscrit dans le paysage en rappelant l'avancée en rotule de la façade sur les jardins du château. La rivière au bout de la perspective, constitue le foyer de la composition du jardin. Elle est formée par un coude du Doubs, et elle procure une somptueuse pièce d'eau naturelle, véritable troisième miroir. Le jardin de Vaire, constitue une mise en scène, du paysage environnant et par son grand art figure parmi l'un des plus beaux témoignages de Jardin à la Française.

Le jardin s'étend sur la partie plane de la butte, la transformant en un vaste belvédère sur la vallée du Doubs. L'unité de la composition d'un jardin suppose l'existence d'axes, autour desquels tout s'ordonne. A Vaire le concepteur du jardin, à créé un axe principal orienté Est-Ouest et parallèle à la vallée du Doubs.
Des axes secondaires compliquent le schéma de base ; en effet l'axe principal constitué par l'alignement des parterres, des boulingrins, et des bassins est coupé perpendiculairement par un axe constitué par l'avant cour et la cour d'honneur.
C'est par cet axe secondaire que nous accèdons à l'avant-cour du château après avoir franchi une grille en fer forgé de belle facture, cantonnée de part et d'autre par deux pavillons.
Une terrasse constituant la cour d'honneur domine l'avant cour, on y accéde à l'aide d'une double rampe en forme de fer à cheval.
Sujet d'étonnement, qui fait de ce jardin à la française un exemple à part,  l'architecte n'a pas tenu compte de l'ordonnancement classique et n'a pas hésité à placer le château en retour d'équerre par rapport à l'axe d'arrivée de l'avant cour...ceci afin que le château puisse profiter de la vue sur la vallée du Doubs. Il gagnait par cette orientation l'exposition Est-Ouest qui permet grâce au soleil couchant, de créer une mise en scène réciproque entre les minéraux, l'eau des bassins et l'architecture. Ernest de Ganay, auteur comtois ayant écrit de nombreux ouvrages sur les jardins en France, écrit à propos de Vaire" l'habitation étant placée de manière à regarder la vallée, tant en amont qu'en aval, il s'ensuit que l'arrivée doit se faire sur le flanc de la cour, a laquelle on accède par un escalier à double rampe ...par conséquent, ici la tradition est rompue, mais c'est la configuration du terrain qui l'a voulu". Classiquement, le jardin d'agrément se déploie devant la façade opposée à celle de l'arrivée. Il se développe sur une première terrasse sous la forme de deux parterres de fleurs bordés d'ifs, taillés selon l'art topiaire en cubes, en cônes, en cylindres. Ces formes géométriques placées à proximité du château, rappellent les lignes directrices de la demeure.

De part et d'autre d'une allée centrale, des boulingrins et deux allées de tilleuls mènent à un bassin circulaire qui sert de premier miroir au château et surplombe la seconde terrasse. Un vertugadin crèe une transition harmonieuse entre cette dernière et la première terrasse. Il nous rappelle l'avancée en rotule de l'avant corps central de la façade Ouest du château. Ce parti était souvent utilisé au XVIIIème siècle ; en effet restituer les éléments d'architecture à l'aide d'éléments naturels permettait de passer en douceur de l'architecture de la demeure à la nature environnante et d'intégrer parfaitement cette architecture dans le paysage.
L a seconde terrasse présente en son centre un bassin plus petit que celui de la première terrasse, nouveau miroir d'eau.

Dézallier d'Argenville dans son traité sur les jardins dont la première publication date de 1709 écrit : La belle vue que ces jardins vous offre de tout côté vous indemnise de la dépense qu'il vous coûte et de leur grand entretien. Quel agrément lorsque du haut d'une terrasse vous découvrez une partie d'un jardin et les pièces des autres terrasses, l'agréable aspect de ces répétitions par étages, cause des scènes variées. Dans ces jardins on recherche la régularité, l'arrangement et ce qui peut flatter davantage la vue, tels que les bosquets, les parterres, les boulingrins ornés de portiques... L'aménagement du jardin de Vaire est largement inspiré du traité de Dézallier d'Argenville.


Le jardin de Vaire fut certainement élaboré simultanément à la construction du château. Le spécialiste des jardins, Ernest de Ganay, le date du début du règne de Louis XV, et lorsqu'il écrit que le plus ancien des jardins à la française en Franche-Comté est sans doute celui de Vaire, nous pouvons affirmer que tel était bien le cas.
En effet, un acte de notaire de 1718 retrouvé aux archives nous permet d'affirmer que le jardin existait avant cette date, car il s'agissait alors pour un jardinier dijonnais Etienne Conclois et un jardinier parisien, Pierre Dubois d'entretenir les parterres, tailler les bosquets et buissoniers, entretenir propres les allées (...) indiquant ainsi un jardin déja élaboré, avancé dans sa réalisation.
L'oeuvre des Boisot fut poursuivie sous l'ère du marquis de Verseilles. En effet, de Ganay écrivit dans son article sur Vaire que le marquis de Verseille  se plut beaucoup à embellir son jardin . Il apporta, certes, durant la seconde moitié du XVIIIème siècle des modifications, mais les archives ne nous renseignent que succinctement sur les travaux qui furent effectués. En1789, Contet, tailleur de pierre, était payé 47 livres pour les travaux exécutés sur les deux petits bassins des jardins de Vaire. Un système d'adduction d'eau a du être installé pour alimenter en eau les bassins. Ces adductions d'eau consistaient en installation de canaux en fonte pour la conduite des eaux au château de Vaire.

Le jardin à la française en cinquante ans s'est transformé, les ordonnances sont assouplies, la part de l'architecture amoindrie. Le jardin conçu par Le Nôtre connaît donc certains bouleversements durant le XVIIIème siècle ;  celui de Vaire-le-Grand en est une belle démonstration, tout en restant un exemple du plus pur style des jardins classiques.
La nature n'est plus asservie mais respectée, modelée et embellie, sa plus grande innovation fut de prendre en compte la situation de base. La tradition du jardin à la française est si bien encrée chez les théoriciens, architectes et jardiniers qu'ils se contentent de l'accommoder.
Morel écrit l'art des jardins n'a pas pour objet au XVIII ème siècle de produire une représentation factice, il a celui d'ordonner les jardins conformément aux règles indiquées par la belle nature. Selon l'architecte Jean François Blondel, il faut recouper les grands ordonnancements (...) par des bosquets et des salles de verdure. On préfère aux fastueux décors, des éléments plus simples et moins coûteux tels que les vertugadins, les amphithéâtre de verdure, ou bien encore les boulingrins .
Le château de Vaire, qui s'intègre dans le site environnant, de la manière la plus parfaite qu'il soit, est pour Ernest de Ganay, dans son ouvrage sur les plus beaux jardins de France d' un art sans défaut.